L’usage du concept de parentalité s’est beaucoup accru ces derniers temps et de nombreuses « formules » d’accompagnement à la parentalité se sont développées. Pour de nombreux professionnels, la parentalité représente une question majeure de santé publique. L’accompagnement à la parentalité s’inscrit en amont de l’apparition de problèmes et s’adresse à tout parent qui s’interroge sur le développement, les soins et l’éducation dont aurait besoin son enfant. Ainsi, diverses actions de soutien à la parentalité se développent dans nos institutions ou en libéral ou encore sur un modèle de coaching parental.
Mais qu’en est-il de la spécificité de la paternité ?
Voici un focus sur la paternité que nous propose Flora Vallery-Rado, infirmière puéricultrice, qui après une expérience en milieu hospitalier pédiatrique et en tant que responsable de crèche a fondé « Au lit Joséphine » afin de mettre son expertise de puéricultrice au bénéfice des futurs et nouveaux parents en les accompagnant dans leur parentalité au quotidien.
J’espère que cet article vous permettra de mieux comprendre la paternité que vous vivez peut-être et/ou que cette lecture enrichira votre réflexion autour de la paternité et de la diversité des façons d’être père et de vivre cette expérience en constante évolution.
Mariama

Devenu populaire sur les réseaux sociaux, dans la presse spécialisée et même dans les rayons de nos librairies, le soutien à la parentalité bienveillant et global semble être LE sujet incontournable. Comment devenir le meilleur parent ? Devenir un super papa ou une super maman en 10 étapes…
Il semblerait que nos bouleversements sociétaux nous poussent à admettre le constat suivant : devenir/être parent c’est une sacrée aventure ! Une aventure pas toujours pleine de paillettes, souvent source de doutes, de surprises, d’émotions diverses. Notre image de la grossesse/accouchement/enfant/parent parfait semble se fissurer peu à peu pour laisser place à une toute autre image : celle de parents en construction, d’un apprentissage au quotidien.
Je m’appelle Flora Vallery-Radot, je suis infirmière puéricultrice consultante en périnatalité. J’ai créé Au lit Joséphine pour proposer un accompagnement en cœur à cœur avec les besoins des familles et ce dans toutes les épreuves de la parentalité. Du désir d’enfant à la petite enfance, en passant par le deuil périnatal, chaque parent peut être accompagné à son rythme et dans la bienveillance afin de prendre confiance en ses compétences parentales et promouvoir les droits de l’enfant.
Je vous propose de mettre avant, dans cet article, ce processus de parentalité sous un prisme encore trop peu développé, celui du père. En effet la place du père a grandement évolué au fil des siècles, mais qu’en est-il aujourd’hui ? Comment se construit ce processus de paternité ? Je vous propose un petit éclairage sur ces questionnements.
1. La parentalité
Pour commencer, la « parentalité », terme utilisé depuis seulement les années 80, est un processus, un cheminement qui entraine des remaniements psychologiques amenant l’adulte à évoluer. Il devient, petit à petit un parent.
Lors de mes accompagnements, j’aime mettre au placard l’idée d’une parentalité innée, d’un instinct maternel ou paternel préétabli. J’amène les futurs, jeunes et moins jeunes parents à imaginer ce cerveau en travail. Ce cerveau en grand chantier, parasité par des questionnements ou des images sociaux-culturelles : « vais-je être à la hauteur ? », « vais-je réussir à tomber enceinte ? », « vais-je être un bon père/mère ? », « vais-je reproduire ce que j’ai pu vivre dans mon enfance ? » …
Je vous rassure, ces questionnements sont tout à fait normaux et sain ! Ce sont ces questionnements qui vous font avancer sur le chemin de la parentalité. Les recherches sur les neurosciences nous montrent d’ailleurs une réelle modification de la construction cérébrale de l’adulte. En clair, des lumières s’allument dans certaines zones de votre cerveau où il faisait autrefois si sombre… Et s’éteignent ailleurs et cela du désir d’enfant jusqu’à notre propre disparition.
Et oui, un enfant change la vie : physiquement, psychiquement et socialement !
2. La paternité
Si la place de la mère et du lien mère-enfant sont souvent abordés, il en est moins vrai pour le père. C’est pourquoi je souhaitais apporter un focus particulier sur la place du père, et mettre la lumière sur ce processus de paternité.
- Un peu d’histoire
L’évolution de notre société associée aux recherches menées sur les neurosciences et notamment sur le développement de l’enfant ont mises en avant le rôle particulier du père au sein de la triade mère-bébé-père. Du Pater Familias autoritaire de la Rome Antique au père de nos jours, il y a eu un long chemin parcouru.

Aujourd’hui ce dernier est invité à poursuivre cette évolution, à s’investir dès le désir d’enfant et jusque dans son éducation. Le père prend toute sa place dans son rôle de tiers séparateur dans la dyade mère-bébé, il devient alors le symbole de l’ouverture sur le monde.
Cette évolution met également en lumière la progression de la place de l'enfant au sein de la société. Nos questionnements actuels sur la pédagogie et l'écoute des besoins de l'enfant naissent de cette évolution permanente.
- Une métamorphose en 4 étapes
En effet, le processus de paternité est lui aussi semé d’embuches. Bien qu'il n'ai pas de manifestations physiques (quoi que) de cet enfant à venir, il est bouleversé par de multiples remaniements. Il doit imaginer, réaliser, se projeter et cela sans ressentir cette vie dans sa chaire. C’est au père que revient la place de soutien. Il apporte une protection nécessaire au développement du lien mère-enfant et initiera ce dernier à la découverte du monde extérieur.
Au fil de mes accompagnements, j’aperçois quatre grandes étapes sur ce chemin de la paternité :
• Tout d’abord le désir d’enfant : désiré ou non. Le père est en grande réflexion et est empreint au doute. Il évoque son enfance et exprime différentes émotions allant de l’amour à la colère.
Il est parfois difficile d’évoquer ces souvenirs avec les pères, en effets ces derniers ne sont pas habitués à aborder ces thématiques et à laisser place à leurs émotions. Ce qui marque encore une grande évolution et différence dans la façon dont les hommes et les femmes sont éduqués.
• Le temps de la grossesse : Sa relation au corps de la femme enceinte se modifie, il se montre plus ou moins impliqué et concerné par ce temps de grossesse.
Lorsque pour certains cet enfant à venir semble encore très abstrait, d’autres vivrons cette grossesse en totale symbiose avec leur compagne allant parfois jusqu’à déclencher une couvade.
• Pendant l’accouchement, le père est en questionnement, ses émotions sont variées et intenses.
Les pères sont aujourd’hui les bienvenus en salle de naissance, souvent par choix, parfois contraints. Les pères se sentent pour la plupart impuissants. Ce temps de l’accouchement devrait également être préparé avec les pères qui soutiennent et cheminent aux côtés de leur compagne. Il est important d’adapter le projet de naissance à l’ensemble de la famille.
• Une fois l’enfant né, le père s’investit plus ou moins, il évolue au rythme du bébé et à la place qui lui ai faite.
Les pères prennent peu à peu une place plus importante dans le quotidien et ce dès la naissance de leur enfant. Ils s’investissent dans les soins quotidiens, dans les choix pédagogiques et éducatifs.
Mon rôle d’accompagnante périnatale est de vous aider à prendre conscience de votre rôle de tiers séparateur et de la richesse qu’apporte votre diversité dans vos façons de faire et d’être auprès de votre enfant. En bref, prendre confiance dans vos compétences parentales.
- Un accompagnement aux petits oignons
Tout comme la mère, le futur père peut toutefois rencontrer des difficultés. Ces remaniements ne se font pas en un jour et sont influencés par son propre vécu familial. Malgré l’évolution de l’image de l’homme et du père dans notre société, il est parfois difficile d’aborder ces thématiques d’avantage en lien avec les ressentis. C’est pourquoi il me semble primordial de prendre en compte le père, son vécu et ses émotions dans notre accompagnement périnatal.
Ce dernier peut en effet mettre en place des mécanismes de défense pour survivre à ces bouleversements.
Mon rôle est alors de les identifier et de d’accompagner au mieux sur le cheminement de la paternité:
• La fuite : « je ne comprends pas les modifications psychiques et physiques de ma compagne. Je ne la reconnaît plus et je me sens rejeté voir exclu de cette relation mère-bébé ».
• Sentiment de jalousie envers ce bébé : réactivation des réactions infantiles. Si autrefois il a dû partager sa mère avec son petit frère ou sa petite sœur, c'est aujourd'hui sa compagne qu'il doit partager. Ce bon vieux Oedipe encore et toujours…
• Paternité blanche : N'acceptant pas son prochain changement de statut, d'habitudes de vie, il admet avoir oublié pendant la grossesse qu'il allait être père. Ce père vit alors une confrontation brutale à la naissance. Il n'a pas eu le temps d'intégrer, de remanier son cerveau à l'arrivée de son enfant.
• Le surinvestissement de la grossesse : peut conduire à une sorte d'assimilation de la fonction d'être père qui se manifeste par la couvade psychosomatique. A l'instar de la femme enceinte, il présente certains maux tels que les nausées, les vomissements, le ventre qui s'arrondit. Ce phénomène est bien la preuve que les maux de la grossesse sont intrinsèquement liés à la construction psychique du futur parent. Une manifestation de ce qui se passe dans nos têtes et qu'il serait bon d'accompagner
Au sein même du couple, il est fréquent d’observer un décalage dans le processus de parentalité. Chaque parent chemine à son rythme. Ces grands remaniements peuvent débuter dès le désir d’enfant, parfois au test de grossesse positif, aux différentes échographies, à l’accouchement et parfois mêmes quelques semaines après la naissance. Chaque parent avance à son rythme, soyez bienveillants envers vous et n’hésitez pas à vous entourer de professionnels, de proches qui pourront vous soutenir dans ces étapes de vie
3. Le soutien à la paternité en France
- Point sur le congé paternité
La paternité, au même titre que la parentalité est donc un cheminement, un processus qui demande des remaniements profonds. La politique familiale en France tend à le prendre en compte :
Depuis le 1er janvier 2002, les pères bénéficient d’un congé paternité et d’accueil de l’enfant. Le Code du travail, dans l’article L-1225-35 revu en 2012, statue d’un congé d’une durée de 11 jours consécutifs pour la naissance d’un enfant, et de 18 jours si naissance multiple. Ces jours sont à prendre dans les 4 mois qui suivent la naissance et doivent faire l’objet d’une demande préalable à l’employeur. A ce congé non fractionnable s’ajoutent 3 jours d’absence prévus par le Code du travail. Le congé maternité est lui de 16 semaines pour les deux premiers enfants, puis s’allonge à 26 semaines au troisième enfant.
Petite avancée cependant, à partir du 1er juillet 2021, la durée du congé paternité sera doublée. Le père pourra prendre jusqu’à 28 jours dont 7 obligatoires.
Nous pouvons nous poser la question de la reconnaissance de la présence et des compétences du père auprès de la mère et de son enfant. Beaucoup de jeunes papas se questionnent sur le fait de prendre ce congé. Peur du jugement de leur employeur ou de leur entourage, crainte de gagner moins… Car oui, ce congé est pris en charge par la Sécurité Sociale.
Toutefois, à l'inverse du congé maternité, l’entièreté du salaire du père peut ne pas être pris en charge si elle dépasse un certain plafond. Certaines conventions collectives prennent en charge la différence, mais ce n'est pas le cas dans toutes les entreprises.
Pourtant les pères ont le désir de créer un lien particulier avec leur enfant. Être investit, connaître les besoins de son enfant et y répondre… Voilà la mission ! Moins de 28 jours pour prendre sa nouvelle place de père, protéger la dyade mère-bébé et s'investir auprès de son enfant, cela semble être une mission impossible… Former un couple parental prend du temps.
Santé Publique France a toutefois conscience de l'importance d'accompagner les parents dans ces nouvelles compétences parentales notamment pour le bon développement de l'enfant.
La société doit elle aussi prendre la mesure de ces bouleversements, et l'Etat lui en donner les moyens.
Et les compétences parentales là-dedans ?
Cette notion est elle aussi nouvelle en France, le Conseil de l’Europe a statué en 2006 sur le fait d’être parent aujourd’hui. Il donne une définition simplifiée des compétences parentales comme étant: « la somme des attitudes et conduites favorables au développement de l’enfant » résumées en huit items :
- répondre aux besoins de base de l’enfant,
- offrir une réponse et un engagement affectif (présence, disponibilité et réponse adaptée),
- adopter une attitude positive à l’égard de l’enfant,
- exercer le rôle parental avec pertinence,
- considérer et traiter l’enfant comme un être distinct,
- établir un cadre de vie,
- favoriser la socialisation de l’enfant,
- répondre aux besoins intellectuels et éducatifs de l’enfant.
Nous pouvons donc dire que prendre le temps de développer ses compétences parentales permet d'assurer le bon développement de l'enfant. Lui assure une sécurité émotionnelle et psychique, lui donne confiance en lui et lui permettra d'être un adulte heureux.
Les consciences s’éveillent, peut-être que l’accompagnement à la parentalité pourrait devenir une cause de Santé Publique à l'instar des pays Nordiques qui présentent des résultats flagrants en terme de bien-être familial et professionnel... Peut-être qu’un jour, nous, infirmier(e)s puériculteurs(trices), formés à cet accompagnement holistique bénéficieront de cette même reconnaissance afin de pouvoir accompagner tous les parents sans exceptions.
Conclusion
Être parent dans l’exercice de ses compétences parentales est complexe, prend du temps et peut être accompagné. Il est nécessaire de tenir compte des besoins spécifiques de l’enfant mais également des ressources et capacités des parents, sans oublier les facteurs environnementaux qui impactent directement ce processus.
C'est pourquoi il me semble primordial de permettre un accompagnement bienveillant et adapté à chaque famille. Leur permettre de créer du lien, de s'approprier leurs rôles parentaux et d'avoir confiance en leurs compétences parentales.
Ce couple parental doit pouvoir trouver refuge, se sentir écouté et valorisé pour le bien de leur enfant et donc de notre avenir à tous.
Sachez que vous n’êtes pas seuls, bien que non réglementé, le métier d’accompagnante ou consultante en périnatalité prend peu à peu sa place. Ces professionnels ont pour objectif, conjointement avec les institutions (centres hospitaliers, PMI, professionnels de santé libéraux), de vous soutenir dans toutes les étapes de votre parentalité.
Pour ma part j’ai choisi d’intégrer dans ma pratique le souci du bien-être, de l’impact émotionnel et transgénérationnel afin de vous accompagner la manière la plus globale qu’il soit. Soyez acteur de votre parentalité, choisissez vos accompagnants qui vous soutiendrons vers une parentalité épanouie.
Flora Vallery-Radot,
Infirmière Puéricultrice Diplômée d’État.
Accompagnante périnatale au sein de Au lit Joséphine
Ambassadrice de l’École du Bien Naître.
Exerçant au sein de la maison de la périnatalité Maman Douceur à Vannes et au domicile des familles.
