A partir de 18 mois environ, les enfants traversent une période pendant laquelle ils semblent aller à l'encontre des demandes des parents. Ils emploient le non à tout bout de champs, peuvent parfois être submergé par cette émotion à l'expression si impressionnante chez quelques tout-petits: la colère!
Cette période peut être très déstabilisante pour les parents, engendrant parfois un sentiment d'échec. Pourtant, la grande majorité des parents, et des enfants, vivent la même chose: c'est une période du développement psychologique et cognitivo-social qui fait partie intégrante du développement de l'enfant.
Et si cette étape du développement tantôt appelée "phase d'opposition", tantôt "affirmation de soi", était une période bénéfique pour l'enfant? Et bien c'est le cas!
Mais comment ça "bénéfique" me direz-vous, lorsque votre tout petit vous fait sortir de vos gonds, alors même que vous vous affirmez adepte de la parentalité positive!?!
Que faire pour accompagner son enfant (et sa propre parentalité) pendant cette période?
- Et bien tout d'abord: en comprenant cette étape du développement.
- Ensuite, en essayant de voir la situation de la façon dont l'enfant la voit (ou plutôt, de la façon dont le cerveau de l'enfant en cours de maturation la voit, à son stade).
- Enfin, en usant de quelques "techniques" de communication comprises par les tout-petits à cet âge là.
Voilà ce que je vous propose dans cet article, en espérant qu'il sera constructif et aidant dans votre relation à votre enfant.
Et surtout, n'hésitez pas à faire appel à une personne ressource pouvant vous accompagner si cette phase est trop difficile: vous devez bien avoir une puéricultrice, une psychologue ou encore une éducatrice de jeunes enfants à proximité à qui en parler? Vous en trouverez certainement dans les centres de PMI, accessible à tous.
1ère clé: savoir ce qui se joue durant cette phase d'opposition des 2 ans:
C'est un stade de développement du tout-petit qui, à ce moment, comprend bien mieux qu'il est une personne qui a ses propres préférences, qu'il peut faire des choix et qu'il peut être décideur.
Finalement, en s'opposant, l'enfant s'affirme pour montrer qu'il est lui-même, séparé, individualisé parmi les autres.
Et quel meilleur mot que "non" pour le faire savoir?
Vers deux ans, l'enfant va peu à peu quitter un mode de pensée en lien direct avec ses sensations et sa motricité (stade de l'intelligence sensorimotrice) pour aller vers un mode de pensée plus symbolique, mais toujours sur un mode intuitif. Il aime faire seul sous le regard bienveillant de l'adulte, et il apprécie que cette autonomie à sa juste mesure soit respectée et valorisée.
Le jeu prend une place importante dans son développement cognitif: ce qui est ludique le captive et il adhère facilement aux demandes lorsqu'elles sont proposées sous forme de jeu. Il aime particulièrement les jeux symboliques ou jeux de rôle, qui sont des sortes de moyens d'adaptation intellectuelle, affective et sociale. Avec ses pairs, il aime souvent agir ou jouer par imitation.
Il est curieux, sa capacité d'attention et de concentration augmente.
C'est aussi la période de "l'explosion du langage".
2ème clé: connaître les 3 significations du "non" et savoir les reconnaître:
Le "non" de l'enfant à partir de 18 mois peut avoir trois significations différentes contrairement au non de l'enfant plus grand. Il est important de les connaître , de les identifier pour apporter une réponse qui soit constructive. On peut distinguer:
- Le "non" d'imitation
- le "non" pour essayer
- le "non" affirmé, pour décider
Au début le tout-petit qui acquière le langage va facilement répondre "non", sans forcément y mettre un ton et un sens affirmé. C'est le non d'imitation. Peut être que s'il l'entend souvent, il le diras aussi souvent... soyez donc vigilent à votre propre usage du "non".
Le "non" pour essayer: le tout-petit observe que l'usage du non peut changer le comportement et la nature de l'échange avec l'adulte. Il essaie pour voir ce que cela peut donner. Il sait que le "non" changera la situation mais il n'est pas affirmé dans son choix de changer la situation et il est plutôt conciliant à la reformulation de l'adulte.
Le "non" affirmé, pour s'opposer. Là, l'enfant est clair avec lui-même: il ne veut pas, il veut être autonome dans sa prise de décision et vous le fait savoir!
D'ailleurs, faire gagner en autonomie son enfant, n’est ce pas un des objectifs éducatifs des parents?
Voyons maintenant comment agir concrètement pour accompagner, de façon constructive, son enfant dans cette période.
3ème clé: anticiper les situations et éviter l'opposition:
Le comportement du tout petit à ce stade de l'affirmation de soi est dicté par le principe de plaisir et il a peu connaissance du principe de réalité. Il vit le moment présent.
L'un des enjeux de cette période est de faire coïncider le principe de plaisir avec le principe de réalité: il est donc important d'identifier ce qui aux yeux de votre enfant pourrait le pousser à formuler un refus et l'anticiper.
En effet, vous opposer frontalement à ses "non" répétitifs serait contre productif et épuisant.
Durant cette phase, vous apprendrez aussi à prendre du recul et à réserver vos "non" aux règles et limites les plus importantes.
Pour éviter certaines situations d'opposition, vous pourrez aussi faire évoluer l'aménagement de l'espace à la maison pour répondre à son besoin d'autonomie, de jeu et d'exploration de façon sécurisante, sans vous retrouver dans l'opposition systématique.
Laissez lui aussi sa zone d'autonomie et faites appel à ses propres décisions pour les situations du quotidien qui n'ont pas grandes conséquences (Ex: "tu veux mettre quelles chaussures pour sortir?"): il se sentira reconnu en tant que personne différentiée dont l'autonomie et les choix sont respectés, ainsi il aura moins à être dans l'opposition pour se faire entendre.
Vous pouvez aussi utiliser la règle des 5 puis 2 minutes: 5 minutes avant la fin d'une tache, vous lui expliquez ce qui va suivre, 2 minutes avant vous le lui rappelez en lui spécifiant le temps restant et au moment d'y arriver vous pouvez faire appel à lui, à son autonomie: ex: "les 2 minutes sont passées: tu te souviens maintenant il faut ..." et vous lui faite devinez la suite...
Cette approche est ludique, lui permet de comprendre l'enchainement des actions, d'y être acteur et décideur (certes, de façon orientée...).
Certains parents utilisent un minuteur; celui-ci pouvant avoir été choisi par l'enfant dans le magasin pour le mettre dans une démarche participative, dans laquelle il se sent pris en considération en tant que personne qui a le droit de choisir, ce qui d’emblée évite d'être en opposition puisque son choix est recherché.
Attention toutefois: à certains moment, il est important en tant que parent d'imposer des règles à son enfant, de façon ferme et bienveillante: tout ce qui est relatif à la sécurité en particulier, doit être expliqué à l'enfant de façon constructive. Les règles et les limites sont structurantes pour l'enfant. Là encore, faites le point sur ce qui est réellement une règle importante.
4ème clé: entrer en contact de façon constructive:
Tout d'abord, sachez que l'intelligence du jeune enfant est émotionnelle avant d'être verbale: ainsi, tout ce qui relève du non verbal (regard, ton de la voix, posture, expressions faciales...) va bien souvent primer sur le contenu de vos phrases.
C'est sur ces signaux que votre enfant va spontanément se baser pour décrypter ce que vous attendez de lui. Il est donc important d'avoir une communication non verbale en phase avec le message que vous souhaitez transmettre: en effet si l'expression de votre agacement ou de votre colère est trop importante, votre enfant n'entend plus les mots que vous prononcez et n'est donc pas en mesure de répondre à votre attente.
Pour entrer en relation de façon constructive avec votre enfant:
- mettez vous à sa hauteur, en face à face
- nommez le
- adressez lui des instructions positives plutôt que d'utiliser la négation
- formulez une consigne simple à la fois
- ayez une expression faciale en lien avec vos paroles
5ème clé: utiliser un mode de communication compris à cet âge:
Évitez les tournures de phrase à la négation: elles obligent l'enfant à 2 schémas mentaux que vers 18 mois il est complexe de comprendre: se représenter la situation puis se la représenter interdite par exemple.
Il est préférable d'utiliser le "STOP" pour arrêter une action plutôt que "NON". Cela évitera des "non" à tout va et une période du non d'imitation trop intense. De plus, contrairement au "non", le "stop" ne sous entend pas un oui contre un non, une opposition en somme.
Accompagnez vos mots de gestes les expliquant (ex: montrez ce que vous citez)
Évitez aussi les jugement de valeurs: l'enfant est en pleine construction de sa confiance en soi et de l'image de soi. Le qualifier de "difficile", "toujours dans l'opposition" ne fera qu'aggraver la situation: l'enfant entend de l'adulte qu'il est ainsi, fini par le croire et agir ainsi pour répondre aux attentes.
Analysons ensemble une situation concrète et un exemple d'attitude face au refus de l'enfant:
Vous devez sortir pour aller chercher la grande sœur à l'école.
Votre petit de 2 ans joue avec sa dinette. Vous lui dites que c'est l'heure d'aller chercher sa sœur, il dit "non", continu de jouer et refuse de mettre son manteau. Même lorsque vous répétez avec d'autres mots, il ne veut pas.
Principe de plaisir: "je suis bien dans mon jeu, je préfère jouer à la dinette" principe de réalité (peu perçu par l'enfant de 2 ans): "la sœur doit être récupérée à l'école et le petit de 2 ans ne peut pas rester seul".
Vous savez maintenant que c'est un "non" affirmé puisque le ton qu'il emploie est ferme et qu'en reformulant votre demande, il persiste dans sa décision.
Vous savez que cette période d'opposition est marquée par l'envie d'être pris en considération dans ses décisions: commencez donc par une phrase du type " j'entends que tu n'est pas d'accord et que tu préfère jouer à la dinette": cela lui montre que vous êtes d'accord avec son aptitude de décideur.
Ensuite, vous observez qu'il joue à la dinette et vous savez qu'à cet âge le jeu le captive et que le principe de plaisir guide ses décision bien plus que le principe de réalité. Vous pouvez donc poursuivre votre phrase ainsi: "
Mais tu sais là, la maitresse de ta grande sœur risque de se fâcher si nous arrivons en retard" (= vous énoncez le principe de réalité), "Ça tombe bien que tu joue à la dinette car après l'école c'est l'heure du gouter! tu peux emmener un jouet de la dinette avec toi pour jouer avec ta sœur sur le chemin: tu préfères emmener une tasse pour le lait ou le poireaux à l'école?" . Puis lorsqu'il a fait son choix, valorisez le et poursuivez : "il te faut un manteaux avec des poches alors: celui-là a une grande poche tu trouves?"
C'est ainsi que vous entrez dans la négociation constructive grâce:
- au respect de son besoin d'affirmation de soi
- à la valorisation de son autonomie
- en utilisant des phrases simples
- en vous appuyant sur le jeu et en présentant les choses de façon ludique
- en proposant un choix limité et orienté
- en le valorisant lorsqu'il coopère
Enfin, sachez, que même lorsque vous utilisez une communication efficace, certaines situations ne seront pas simple à comprendre et à accompagner. Le tout est que cela ne soit pas répétitif et que votre enfant vous voit le valoriser lorsqu'il prendre des décisions: montrez lui qu'il est possible de s'affirmer sans être dans l'opposition. Cela l'aidera aussi en tant qu'adulte!
Mariama.