Le sommeil du tout-petit : Alors, il fait ses nuits ?
Le sommeil est un besoin vital et un état complexe pendant lequel toutes nos fonctions biologiques se réorganisent ! Il se structure durant l’enfance, en particulier les deux premières années avec de grandes variabilités d’un enfant à l’autre mais aussi chez un même enfant au fur et à mesure du temps qui passe, de ses acquisitions, de ses expériences et de son développement.
L’expression « dormir comme un bébé » qui fait référence à un long, profond et paisible sommeil peut toutefois sonner faux aux oreilles d’une grande majorité de parents dont le bébé présente des réveils nocturnes ou dont les journées débutent aux aurores, week-end y compris ; ou encore pour les parents dont l’enfant refuse de dormir, ou présente des couchers interminables…
Juliette de Jenlis est infirmière-puéricultrice, entrepreneuse dans le domaine de l’enfance et de la parentalité et spécialisée dans le soutien à la parentalité en particulier du sommeil de l’enfant de 0 à 5 ans. Elle accompagne des parents lors d’ateliers ou d’échanges individuels. Juliette a pu, entre autre, accompagner le sommeil des enfants accueillis dans la crèche où elle a été directrice pendant cinq ans après avoir pris soin des enfants dans les services hospitaliers où elle avait exercé (chirurgie viscérale et réanimation néonatale).
Je laisse place à Juliette en la remerciant pour cet article et vous souhaitant, bébés et parents, de trouver votre équilibre et de prendre soin de votre sommeil à tous !
Alors, il fait ses nuits?
Cette question est si fréquente qu’en tant que parents, vous avez surement dû y faire face. Et là, la pression peut vite monter! Faut-il consulter? Le laisser pleurer la nuit s’il se réveille? A-t-on loupé quelque chose pour qu’il ne dorme pas la nuit comme l’enfant d’untel? Mais au fait, c’est quoi faire ses nuits pour un enfant? Dormir de 19h à 7h, de 00H à5h? Avec des réveils pour manger? Chacun à sa propre idée de ce qu’est « faire une nuit ».
La société ne s’est pas adaptée à notre sommeil, c’est notre sommeil qui s’est adapté à notre société. Aujourd’hui, il faut travailler entre 8h30 et 18h. Il faut donc, caler le mode de garde de son enfant sur le même rythme, pouvoir en profiter le soir et le coucher à la bonne heure pour qu’il ne soit pas trop fatigué le lendemain... Bref, nous adaptons notre rythme à la société dans laquelle nous vivons.
Mieux connaître le sommeil de l’enfant permet de mieux comprendre ce qu’il se passe et de réadapter nos attentes voire nos exigences. Pour un tout petit, dormir d’une traite de 19h à 7h n’est pas inné; il a besoin de manger beaucoup plus régulièrement du fait de la petite taille de son estomac, son rythme à la différence de l’adulte, n’est pas basé sur l'alternance jour/nuit, mais sur une alternance éveil/sommeil avec des phases assez courtes.
Cycle circadien ou ultradien ?
On dit que le rythme de l’adulte est circadien, c’est-à-dire basé sur un cycle de 24h,celui du bébé est ultradien: il se répète toutes les 3 à 4h. Chez le jeune nourrisson ce cycle comprend une phase d’éveil, l’alimentation et une phase desommeil. C’est tout le rythme de l’enfant qui est différent de celui de l’adulte, pas uniquement lesommeil.
Mais quels éléments déterminent le rythme ?
Nous avons tous une horloge biologique en nous, elle est comme le chef d’orchestre de notre corps ; c’est elle qui donne le rythme et qui permet à notre corps de nous donner des informations nécessaires à notre survie: estomac qui gargouille lorsque nous avons faim, paupières lourdes lorsque nous sommes fatigués…etc.
Comme une application qui se met régulièrement à jour avec les dernières nouveautés, l’horloge biologique se synchronise par plusieurs éléments :
- L’exposition à la lumière le jour, à l’obscurité la nuit
- La régularité des heures des repas
- La régularité des heures de couchés et de levés
- L ’activité physique
Donc si vous me suivez : notre horloge biologique nous donne des informations sur nos besoins pour que nous puissions y répondre. Si je modifie un des synchroniseurs cités au-dessus, l’horloge biologique va s’adapter.
Chez le tout petit, la difficulté est de repérer les signes qui indiquent les besoins pour que l’adulte puisse y répondre au bon moment.
Et, comment reconnait-on ces signes qui indiquent le besoin de dormir et se reposer chez le tout-petit?
En observant votre enfant, vous allez probablement les trouver. Les plus classiques sont les bâillements, les frottements des yeux, les étirements, l’irritabilité, les pleurs.
Le fait de prendre la tétine ou de sucer son pouce peut également en faire partie, mais attention à bien prendre en compte le contexte. Ces gestes peuvent aussi être utilisés à d’autres moments de la journée pour les enfants, et notamment pour se rassurer. Tout petit, le besoin de succion est aussi très fort et ce type de comportement peut être adopté uniquement pour combler ce besoin.
Connaitre le tempérament de l’enfant permettra aussi de mieux repérer les signes de fatigue peut être moins classiques. Un enfant très dynamique sera peut-être plus calme en cas de fatigue, au contraire certains enfants se montreront plus toniques en cas de fatigue. Certains enfants, et encore plus en grandissant, ne montrent presque pas de signes de fatigue voire luttent. C’est souvent le cas lorsqu’ils se trouvent dans un environnement dans lequel il y a beaucoup de stimulations, ou différent de celui dans lequel ils évoluent habituellement.
Donc l’environnement peut aussi impacter le sommeil ?
Et oui, vous avez probablement déjà connu les nuits très chaudes ou trop froides durant lesquelles il est difficile de s’endormir. L’environnement a un impact sur lesommeil. Selon les personnes, nous y sommes plus ou moins sensibles, mais dans le doute, mettons les chances de notre côté pour le sommeil des enfants !
La température de la chambre doit être idéalement entre 18°C et 20°C avec un taux d’humidité à40%. Au-delà de la qualité du sommeil, la température est importante pour la sécurité de l’enfant ; lorsqu’il fait trop chaud le risque de mort inattendue du nourrisson augmente.
L’air intérieur est parfois plus pollué qu’à l’extérieur, aérer la chambre quotidiennement est également nécessaire pour la santé de votre enfant.
Vous trouverez souvent dans le commerce beaucoup de belles décorations pour la chambre de votre enfant. Se laisser tenter est super, vous proposez un endroit accueillant, chaleureux et attrayant, donnant envie à votre enfant d’aller profiter de cet environnement. Méfiance en revanche: un endroit trop encombré ou multicolore stimule l’éveil voire même l’agitation. Des couleurs pourquoi pas, mais en petites quantités en restant dans le même ton.
Les veilleuses peuvent nous rendre service, mais toutes ne sont pas recommandées pour les enfants. Retenez que la lumière bleue (comme celle des écrans) excite, tandis que la lumière rouge est plus apaisante. Le type de lumière est indiquée sur l’emballage de la veilleuse, n’hésitez pas à vérifier. A ce propos, la luminosité de la chambre joue également sur le sommeil. Le tout petit (jusque 1 mois voire 2 mois), ne fait pas la différence entre le jour et la nuit: plongez la chambre dans le noir complet le soir et laissez de la lumière naturelle entrer dans la chambre lors des siestes, va l’aider à différencier les deux.
D’un point de vue santé, les baby phones sont également à vérifier: certains émettent des ondes non adaptées pour les tout-petits. Il est préférable dans tous les cas de l’éloigner du lit, de l’éteindre lorsqu’il n’est pas utile et de vérifier qu’il n’émette pas de bruit en continu.
Et si mon enfant ne dort qu’avec moi, sur moi, en cododo, ou s’endort dans mes bras ?
Difficile defaire face aux injonctions face à ce sujet : « s’il dort avec toi tune seras jamais tranquille », « ou la il s’endort dans tes bras, il va être capricieux », « vous faites du cododo ? Mais ton.ta partenaire va finir par aller voir ailleurs ».
Faites-vous confiance ! Lorsque vous mettez en place une pratique qui convient à tous, à tout niveau, alors continuez en essayant de ne pas prendre en compte le jugement des personnes (qui certes se veulent bienveillantes). Si la manière dont vous accompagnez votre enfant convient à tous, c’est que c’est la bonne chose à faire. Que ce soit par choix, par envie, ou par nécessité pour faire dormir votre enfant, ce que vous avez mis en place était ce qu’il fallait faire à un moment donné.
Il est possible que cela évolue naturellement en fonction des besoins de chacun et du développement de votre enfant. Parfois, ce que nous avons mis en place ne nous convient plus ; trop contraignant, trop long, ne correspond plus à notre mode de vie…il sera alors possible de le changer.
Bon d’accord, mais du coup on fait quoi avec toutes ces informations?
Autant de temps que possible, nous respectons son rythme en repérant ses besoins: les signes de faim, les signes de fatigue, les bercements, la présence pour s’endormir, le besoin de dormir seul…
Chaque enfant a son propre rythme et plus nous le respectons, plus il apprend à comprendre lui-même ce que signifient ses propres sensations. Un nourrisson qui porte ses mains à la bouche, tire un peu la langue et à qui nous donnerons à manger, pourra apprendre à mieux se connaître. Si, au contraire, nous lui donnons à manger alors qu’il se frotte les yeux, il mettra certainement plus de temps à prendre conscience de ses sensations et de ses besoins. En respectant notre rythme, nous favorisons le respect de notre horloge biologique, nous apprenons à mieux respecter nos besoins, à mieux y répondre et ainsi mieux gérer notre sommeil. Et cet apprentissage se fait dès tout-petit !
En plus de cela, on s’assure que l’environnement de notre enfant soit optimal pour son sommeil.
La communication est importante également: prévenir l’enfant, lui expliquer ce qui se passe ou va se passer permet de l’inclure dans tout ce que nous faisons. Imaginez que l’on vous change de chambre sans vous prévenir ou vous expliquer cela: que ressentiriez-vous en vous couchant ? Parler à notre enfant, expliquer ce qu’il se passe même s’il ne comprend pas tout ce que cela implique favorisera l’apaisement.
Votre enfant a un mode de garde? Evoquer son rythme avec la personne qui s’occupe de lui la journée est aussi important. Les habitudes peuvent être légèrement différentes entre la maison et le mode de garde, mais en parler permet à tous de s’adapter pour proposer à l’enfant un rythme cohérent entre les deux endroits.
Alors, à la question, il fait ses nuits? Dites-vous que oui, il fait ses nuits, celles qui correspondent à son propre rythme et non celui voulu par la société.
Réveils nocturnes ? On en parle
Que votre enfant se soit toujours réveillé la nuit ou que les réveils aient commencé alors qu’il dormait super bien, qu’il se réveille une fois ou 10 fois dans la nuit, ses réveils questionnent, fatiguent, et sont parfois très difficiles à vivre pour l’ensemble de la famille.
La nuit, enfant comme adulte, nous enchainons plusieurs cycles de sommeil. Entre chacun de ces cycles, nous nous réveillons de manière plus ou moins consciente. Jusqu’environs 3 ans, le cycle des enfants est plus court que celui d’un adulte et donc,... ils se réveillent davantage que nous. Oh…la bonne nouvelle !
Rassurez-vous, si ce n’est pas le cas actuellement pour votre enfant, il va finir par se rendormir seul. Peut-être qu’en attendant, il a besoin d’un petit peu d’aide.
Les causes de réveil chez l’enfant ? Elles sont nombreuses !
Les nuits de l’enfant peuvent être ponctuées par les pathologies (RGO, coliques, otites…), les pics de croissance, les phases du développement (plus d’autonomie,séparation plus difficile…), les poussées dentaires...
Autant de facteurs pouvant avoir une influence sur le sommeil. Parfois il est difficile d’identifier la cause, c’est un peu frustrant mais vous pourrez toujours l’accompagner pour se rendormir.
Comment fait-on quand il se réveille la nuit ?
Selon l’âge de votre enfant et la cause connue ou non, l’accompagnement sera différent. Mais voici quelques pistes qui peuvent vous aider.
La nuit, quelle que soit la cause du réveil, il est idéal de pouvoir spécifier à votre l’enfant qu’il est encore temps de dormir et cela passe par le fait d’adopter une attitude différente que la journée et de limiter tout ce qui pourrait stimuler l’éveil de l’enfant: laisser les lumières éteintes le plus possible, chuchoter, tenter de réconforter votre enfant en le laissant dans son lit, éviter de changer la coucher si possible…Plus nous limitons les mouvements et moins nous stimulons l’éveil. Bien sûr, s’il est nécessaire de vérifier la température ou de donner un médicament, nous le faisons, la santé passe avant tout.
Vous vous demandez peut-être si vous pouvez le prendre dans les bras lorsqu’il en abesoin…Bien sûr ! L’idéal est de vous faire confiance. Vous savez reconnaitre les pleurs de votre enfant, parfois il est possible de le réconforter en le laissant dans son lit et d’autres fois, seuls les bras seront efficaces. En cas de doute ? Vous pouvez commencer par tenter de le rassurer dans son lit et voir si cela répond suffisamment à ses besoins.
Trouver l’équilibre entre les besoins de son enfant et les siens
Pour ce qui est du sommeil, il est parfois difficile d’agir par peur de donner de mauvaises habitudes à son enfant. Pour moi, il est important de répondre aux besoins de son enfant : le rassurer, lui rappeler qu’il est en sécurité, qu’il est capable de se rendormir, que vous avez confiance en lui…Mais aussi de connaitre ce qui est acceptable pour vous (et non pour l’entourage et la société). Vous avez enchainé plusieurs nuits blanches et la priorité est de dormir ? Faites tout ce que vous pouvez pour que cela soit possible ! Vous avez instauré une tétée la nuit parce que votre enfant en a besoin mais cela ne vous convient plus ? C’est tout à fait possible aussi.
Chaque situation est unique et prendre conscience de ce qui est acceptable pour soi et son enfant est important pour ensuite pouvoir accompagner son enfant vers le sommeil en lien avec la singularité de votre vie de famille : votre sommeil à tous les deux (enfant et parent) est important. Voyons d’ailleurs cette infographie proposée par Mariama sur l’utilité du sommeil :
Conclusion :le sommeil, une acquisition et un apprentissage
Dès la naissance, nous savons et pouvons dormir mais, notre vie et notre environnement sont remplis d’éléments qui peuvent venir l’impacter, nécessitant de (ré) apprendre à dormir.
Notre rôle d’adulte dans le sommeil de notre enfant est crucial et pourtant s idifficile ! Nous ne pourrons pas nous endormir à sa place (qui n’a jamais rêvé de pouvoir le faire ?). Mais, nous accompagnons, nous guidons notre enfant, nous sommes le metteur en scène du sommeil. En préparant un environnement serein, en respectant son rythme et ses besoins nous mettons tout en œuvre pour faciliter son sommeil. Notre enfant, lui, nous guide par ses signaux plus ou moins clairs. C’est ensemble que nous parvenons à un sommeil plus serein.
Associer le sommeil à un moment positif est certes plus facile à dire qu’à faire, mais permet à chacun de vivre ses expériences en limitant les appréhensions.
Au moindre doute, rappelez-vous que vous pouvez vous faire confiance. Vous connaissez mieux que quiconque votre enfant et savez ce qui est bon pour lui. Il n’y a pas de mauvaise habitude mais des réponses à des besoins à un moment donné.
Vous voulez faire évoluer une situation qui ne vous convient plus et vous n’y parvenez pas seuls ? N’hésitez pas à vous faire aider ! Accompagner un enfant est une mission pour laquelle il est parfois nécessaire de s’entourer.
Juliette de Jenlis, Infirmière- puéricultrice
- Spécialisée dans le soutien à la parentalité et le sommeil de l’enfant de 0 à 5 ans
- Entrepreneuse dans le domaine de l’enfance et la parentalité
Pour me contacter :
- Juliette.jenlis@gmail.com
- Instagram nosco-parentalité
(https://www.instagram.com/nosco_parentalite/)