Le haut potentiel intellectuel fascine bon nombre de personnes, voyant celles qui le possèdent comme "extraordinaires" et "chanceuses" car présentant une intelligence accrue qui pourrait faciliter tant de choses ... La réalité du quotidien pour les familles dont un enfant est surdoué est toute autre chose! Elever un enfant quelqu'il soit n'est pas de tout repos, mais ajouter à cela un fonctionnement cérébral atypique, entrainant des schémas d'apprentissage et comportementaux différents ainsi qu'une hyper-réceptivité émotionnelle... et la complexité est tout autre! Heureusement des temps de plaisirs partagés parent-enfant HPI sont réels et l'émerveillement que présente l'enfant HPI est communicatif à son entourage, créant ainsi des liens sociaux forts.
Julie CHAÂBI est une infirmière puéricultrice qui a développé au fil des ans une spécialité autour des neuroatypies développementales. Elle a exercé en maternité, crèche, à l'éducation nationale, en PMI, et a accompagné des familles, soutenant les parents de tout nouveau-nés, de jeunes enfants ou de grands adolescents.
Elle s’intéresse à de nombreux sujets autour de l’enfance et de la parentalité, et notamment aux enfants à profils particuliers. Elle a été formée par le centre Cogito’Z de Marseille et a accompagné de nombreuses familles pour leur apporter du soutien et retrouver la sérénité. Elle nous livre ici quelques éléments de compréhension et des astuces pour gagner en confiance, en compréhension et favoriser des relations sociales positives pour et avec son enfant HPI.
Je laisse place à l'article de Julie Alix et je vous souhaite une bonne lecture!
Vous êtes parent, ou proche d’un enfant à haut potentiel.
Vous connaissez déjà les « signes », les batailles de vocabulaire, et le parcours diagnostique. On vous a renseigné sur la proximité avec les troubles DYS, TDA/H, et troubles du neuro-développement ; voire sur les aménagements scolaires, vaste sujet
s’il en est… Au besoin, je vous invite à lire mon article « Repérer la précocité intellectuelle » dans le n° 308 des cahiers de la Puéricultrice.
Ici, je vous parle de l’après, parce que le vrai sujet,
Votre réelle préoccupation de parent face à votre enfant à haut potentiel, c’est : maintenant, comment faire ?
Premier scoop :
Les enfants « à haut potentiel » sont des enfants, avant tout.
Ils ont des besoins particuliers, certes, mais ils ont les mêmes besoins fondamentaux que tous les autres enfants.
Le premier besoin, primordial, c’est le méta-besoin de sécurité : s’il n’est pas comblé, aucun enfant ne peut s’épanouir.
Aux parents de bien évidemment pourvoir aux besoins physiologiques et de santé de leur enfant : l’alimentation, l’hygiène, le sommeil…
LE SOMMEIL !
Pas facile de trouver le sommeil quand, au fond de son lit, votre enfant repense à tous les évènements de la journée, qui l’emmènent vers des idées géniales à mettre au point immédiatement, ou bien lui procurent des sentiments moins confortables… et le voilà qui tourne et se retourne dans son lit, se relève, vous appelle, bref… Il ne trouve pas le sommeil. C’est très commun chez les petits et les grands à haut potentiel.
* Soyez patient et compréhensif. N’hésitez pas à rythmer les fins de journée, en limitant les écrans 2 heures minimum avant l’heure prévue d'endormissement. Soyez créatif et faites de ce moment un temps privilégié et agréable. Pour amener votre enfant à la détente et au lacher-prise, pourquoi ne pas envisager la méditation? des approches multi-sensorielles? .
Créez une ambiance calme, lumière tamisée ou ambiance Snoezelen, instaurez un rituel du soir, qui peut être par exemple, un temps de jeu calme partagé et court (monter une tour de cube, une partie de puissance 4), un exercice de méditation de pleine conscience, la lecture partagée d’un conte, le chant d'une berceuse,… On peut aussi partager ensemble 3 bons moments de sa journée, bref soyez créatif et surtout, faites de ce moment un temps privilégié, et agréable.
Le méta-besoin de sécurité comporte également les besoins de protection, d’affection et de développement des liens relationnels :
C’est là qu’il peut y avoir un enjeu particulier pour certains enfants à haut potentiel, qui peuvent se retrouver un peu à l’écart, avoir du mal à lier amitié, voire être victime de harcèlement dans les cas les plus préoccupants.
Restez vigilant, soyez à l’écoute, décortiquez avec votre enfant les liens sociaux : qu’est-ce qu’un ami ? un copain ? quel comportement adopter ? quel comportement refuser de la part des autres ? comment s’affirmer et être à l’écoute de soi, …
Soyez "pratique", montrez l'exemple, prenez des initiatives: invitations, découvertes des jeux de récré à la mode...
Tout cela fait partie des compétences psycho-sociales, que les enfants développent tout-petits par mimétisme, puis en grandissant au travers des expériences, et des informations qu’ils reçoivent de manière plus ou moins formelle : interventions en classe, grande discussion avec la grand-mère …
* N’hésitez pas à faire preuve d’ingéniosité : invitez les camarades de classe un samedi après-midi, inscrivez votre enfant au même cours de danse que la petite voisine, et même : glissez des cartes Pokemon® dans sa poche. S’il ne sait pas quoi en faire, les autres enfants vont venir spontanément échanger avec lui… des mots et des cartes !
Le besoin d’identité : C’est savoir qui on est. Et ce n’est pas qu’une question de filiation : c’est aussi comprendre qui on est. C’est en cela que le diagnostic et l’explication du haut potentiel sont importants, et qu’il convient de le répéter de temps à autres… pour se connaître, s’accepter, s’aimer, et surtout prendre conscience de sa différence à l'autre.
Le besoin d’estime et de valorisation de soi : Même si votre enfant peut paraître sûr de lui, parfois même un peu trop, ne négligez pas ce point.
Valorisez les efforts et les réussites, encouragez les expériences … et pas que sur le plan intellectuel, surtout ! Sur tout ! N’hésitez pas. Ce ne sont que quelques mots, mais ils ont un impact incroyable sur la construction psychique de votre enfant, et sa capacité, une fois adulte à s’affirmer, faire ses choix, être audacieux, mais aussi surmonter les moments moins faciles de l’existence, …
Le besoin d’expérience et d’exploration du monde : Tout enfant apprend avant tout en jouant,et chez un enfant à haut potentiel, il s’agit d’un besoin insatiable :
*Proposez-lui des supports divers, des activités variées. Laissez sa créativité s’exprimer et répondez à ses « Pourquoi ? ». Quand un enfant pose une question, c’est
qu’il est prêt à recevoir la réponse. Répondez à ses questions. Ne mentez pas.
Utilisez des mots simples. S’il a besoin de précisions, il vous le dira. Si
vous n’avez pas la réponse : dites-le. Si le sujet vous met mal à l’aise, dites-le-lui aussi.
Agir ainsi est respectueux envers l’enfant, envers vous-même, mais également formateur : on peut ne pas savoir.
Besoin d’un cadre, de règles et de limites : Voici LE sujet parentalité des familles HPI: oubliez tout ce que vous avez lu
dans les manuels du parent parfait (Scoop bonus : ça n’existe pas !) je vous déconseille le « C’est comme ça et pis c’est tout ». En tout cas pas de prime abord…
Eh oui, un enfant à haut potentiel n’obéit pas s’il n’en voit pas l’intérêt. Ca ne serait que requêtes et réflexions, que vous prendrez pour de l’impertinence alors que c’est de la quête de sens…
Voici un exemple d'échanges peu constructifs:
— Ne touche pas à mon ordinateur.
— Pourquoi ?
— Parce que
— Parce que quoi ?
— Parce que c’est interdit
— Oui mais pourquoi c’est interdit ?
— Parce que c’est comme ça, arrête de discuter !
— Mais je discute pas, je veux savoir ?
— Bon ça suffit Maintenant, y en a assez !!!
— {pleurs}
— {cris et punition}
— {pleurs et porte claquée}
Eh oui, un enfant à haut potentiel n’obéit pas s’il n’en voit pas l’intérêt. Ca ne serait que requêtes et réflexions, que vous prendrez pour de l’impertinence alors que c’est de la quête de sens…
— {incompréhension,injustice, perte de confiance}
Essayez plutôt :
_ Cet ordinateur coûte très cher et il contient tout mon travail. S’il s’abîmait ce serait très embêtant pour moi. Je ne veux pas que tu le touches parce que tu risques de l’endommager sans le faire exprès.
_ Oui, mais je ferai bien attention
_ Même en faisant bien attention, il y a certaines touches qui effacent le travail. Je ne veux pas perdre mon travail, et je ne veux pas être en colère après toi, et que tu sois triste. C’est pour ça que je ne veux pas que tu y touches »
_ Oui, mais Marius il y touche, lui !
_ Oui, Marius est plus grand, je lui ai appris à s’en servir, et je reste à côté de lui quand il l’utilise. A toi aussi, je t’apprendrai. Mais quand tu seras grande comme Marius.
_ Bon d’accord. Dis Marius, tu mesures combien ? »
Deuxième scoop :
Les enfants « à haut potentiel » deviennent… des adultes « à haut potentiel » :
Il ne s’agit pas d’enfants à qui on a asséné l’alphabet entre chaque cuillerée de purée de carottes, et qui prendraient « de l’avance » sur les autres enfants, qui les « rattraperaient » ensuite !
Non, le haut potentiel, c’est tout autre chose :
C’est une particularité neuro-développementale, mise en évidence par les recherches en imagerie médicale (2) : Le cerveau et le système nerveux se construisent un peu différemment chez ces enfants, avec des connectivités neuronales de type « autoroutes » au niveau des corps calleux, et dans les hémisphères cérébraux. On observe également un fonctionnement cérébral inhabituel sur les aires du langage, de la mémoire, et du traitement des émotions.
Résultat : des messages nerveux et des transmissions synaptiques rapides, se traduisant par une pensée fulgurante, arborescente et une capacité de mémorisation élevée. Et une explication anatomique de ce que les psychologues avaient constaté dans le profil psychologique de ces enfants au QI>130 : Une hypersensibilité émotionnelle, une meilleure perception, et des compétences langagières accrues.
Et c’est ça qui explique « le haut potentiel intellectuel » : Ces enfants ont besoin de moins d’expériences et de répétition des concepts pour comprendre et mémoriser l’information… (qui les intéresse…) :
Et c’est pour cela que :
- Ils comprennent vite
- Ils apprennent vite
- Ils savent des choses « incroyables » parce qu’ils les ont entendues une fois et les ont retenues. Vous ne vous en souvenez pas ? Eux si.
Cette « preuve anatomique » explique pourquoi on retrouve souvent cette caractéristique chez plusieurs membres d’une même famille et laisse entrevoir une origine génétique.
Il est fondamental pour un enfant, et pour ses parents, de comprendre ces particularités, qui persisteront toute la vie :
- C’est chouette de mémoriser vite, de comprendre à toute vitesse. Mais ça peut empêcher les plus jeunes d’apprendre à apprendre ! Ca peut aussi rendre l’écriture pénible (oublie des mots pour écrire aussi vite qu’il pense).
- C’est super d’avoir une pensée en arborescence. Ca donne une vision sur le monde souvent très créative, mais ça peut dérouter l’entourage. Et susciter quelques réactions hostiles, à décortiquer.
- C’est plutôt compliqué d’être hypersensible, mais quand on comprend cette singularité, et qu’on l’accepte, ça permet de communiquer davantage sur ses émotions, et interagir avec empathie et bienveillance.
- Ca fait très super-pouvoir d’avoir « une perception plus fine », mais quand on perçoit trop fort les étiquettes qui grattent, les coutures des chaussettes, le parfum de la maîtresse, le petit pois sous le matelas… ça nécessite quelques adaptations et concessions, par exemple dans le choix des vêtements.
- C’est pratique « des compétences langagières accrues », mais ça peut être sujet à polémique : il faut appeler un chat un chat, et des baskets des baskets… pas des tennis… Ca peut mener à quelques incompréhensions ou interprétations saugrenues !
- C’est plutôt compliqué d’être hypersensible, mais quand on comprend cette singularité, et qu’on l’accepte, ça permet de communiquer davantage sur ses émotions, et interagir avec empathie et bienveillance.
Petit zoom surl’hypersensibilité, qui peut complètement chambouler l’ambiance et rendre le quotidien familial compliqué ! L’hypersensibilité est présente tout le temps, le cerveau d’un enfant à haut potentiel baigne dans les « émotions » :
Primo, il ressent l’ambiance.
Même tout petit, il peut sentir si « ça va » ou « ça ne va pas ». Le hic, c’est qu’il n’est pas devin, et qu’il va interpréter l’ambiance à sa manière Et se sentir coupable. Et voilà la petite éponge émotionnelle qui se met à pleurer. L’ambiance qui était déjà morose se dégrade encore…
Secundo, certains enfants à haut potentiel comprennent les choses au sens littéral, et peuvent ne pas comprendre les sous-entendus, la malice etc.… Ce qui peut amener à des quiproquos et de vraies crises de colère.
Tertio, un enfant reste un enfant, avec ses émotions, et peut avoir un peu de mal à les gérer…
Alors, on fait quoi, quand c’est … LA CRISE ?
Hé bien… une « crise », ça s'anticipe :
Si le moment de crise vous énerve et vous touche en tant que parent, croyez bien que votre enfant ne supporte pas non plus d’arriver à ce stade : il est mal, fatigué, il a besoin de vous à ce moment-là sans pouvoir communiquer efficacement…
C’est en utilisant les compétences langagières de votre enfant, que vous allez ensemble pouvoir, à moyen terme, prévenir et gérer de mieux en mieux les crises, jusqu’à ce qu’elles deviennent un lointain souvenir (si, si !)
A distance, faites-le verbaliser :
sur ce qui l’a mis dans cette colère (une injustice ? une mécompréhension des intentions de l’autre ? une moquerie ?)
comment il s’est senti (vraiment, physiquement : les sensations de chaleur, boule au ventre, larmes qui montent, etc)
et comment il a fait pour finalement parvenir à revenir au calme ;
Vous allez lui permettre d’identifier plus facilement ces signes, et trouver ensemble des solutions pour la prochaine fois : détaillez ensemble votre plan de crise :
comment il vous alertera sur les symptômes qu’il sent monter
quelle attitude vous vous engagez à adopter à ce moment là
et quelle solution vous mettrez en place pour le retour au calme.
Troisième scoop :
Avoir du potentiel, c’est bien, pouvoir développer son potentiel, c’est mieux :
Il y a des enfants à haut potentiel dans tous les milieux sociaux, dans toutes les ethnies du monde. Bien évidemment, un enfant à haut potentiel qui ne serait ni choyé, ni encouragé, ni stimulé, ni éduqué ne développerait jamais son potentiel.
Et même si cela reste plus facile pour des familles de milieux favorisés, avec un accès aisé à la culture, aux activités sportives et extra-scolaires… tout parent, avec bienveillance et bon sens, peut accompagner son enfant à s’épanouir.
Conclusion
- Faites vous confiance, et faites confiance à votre enfant. C’est primordial.
- Donnez-lui les nourritures affectives et intellectuelles qui lui sont nécessaires.
- Adaptez-vous à ses besoins avec bienveillance.
- Soyez patient, et indulgent envers vous-même,
- Essayez, Inventez
- Ne culpabilisez pas d’élever un enfant « qui ne rentre pas dans le moule ».
- Ce n’est pas votre éducation qui est inefficace, ce n’est pas votre enfant qui est désobéissant, c’est sa neuro-divergence qui s’exprime. Et c’est très bien ainsi.
Rappelez-vous :
Lorsqu’on éprouve le besoin d’être soutenu à certaines étapes du développement de son enfant, on n’hésite pas : on en parle à notre puéricultrice !
Un article écrit par:
Julie ALIX
Infirmière Puéricultrice
Sources :
1 schéma des besoins fondamentaux : https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/synthese_du_rapport_besoins_fondamentaux_de_l_enfant.pdf
2 Recherches du CERMEP et du centre Psyrène à Lyon