Il est dorénavant admis qu’un certain nombre de questions de santé relève des conditions de l’environnement. Les problématiques reliant santé et environnement deviennent des sujets d’intérêt grandissants lorsque l’on attend un bébé ou que l’on est parent. Quel lien entre l’environnement et la santé ? Qu’est-ce qu’un perturbateur endocrinien ? Quel effet sur la santé ? Comment garantir à son enfant un environnement sain ?
Pour nous éclairer sur ces questions, Karine Pontroué infirmière-puéricultrice, titulaire d’un Diplôme Universitaire en Santé Environnementale nous présente, dans cet article dont elle est l’auteur, ce qu’est la santé environnementale ainsi que les perturbateurs endocriniens et leur effet sur la santé de l’enfant et de la femme enceinte. Elle nous explique comment les éviter et nous donne des astuces pratiques pour minimiser leur impact sur la santé.
Je laisse place à Karine, et je la remercie pour la qualité de cet apport, utile aussi bien aux parents qu'aux professionnels.
Mariama
Le carnet de santé en vigueur depuis le 1er avril 2018 propose désormais en 11ème page une nouvelle rubrique intitulée : « conseils pour un environnement sain ». Étonnamment, cette nouvelle petite rubrique traduit une évolution importante dans le domaine de la santé publique. En effet, d’une part, cela manifeste une prise en considération grandissante de la santé environnementale par les professionnels de santé, et notamment, par le haut conseil de la santé publique sur les recommandations duquel, le carnet de santé est rédigé. D’autre part, elle répond également à une préoccupation croissante chez de nombreux parents, à savoir ; comment offrir à son enfant les conditions les plus favorables à une bonne santé ? Comment éviter les substances chimiques néfastes présentes dans notre environnement ?
La santé environnementale a été définie en 1994 par l’OMS ainsi : « La santé environnementale comprend les aspects de la santé humaine, y compris la qualité de la vie, qui sont déterminés par les facteurs physiques, chimiques, biologiques, sociaux, psychosociaux et esthétiques de notre environnement ». L’OMS souhaite ainsi mettre en avant l’impact de la dégradation de l’environnement sur la santé humaine et utilise pour ce faire la formule suivante :
« Environnement d’aujourd’hui, santé de demain ».
En France cette préoccupation s’est traduite par différents Plans Nationaux Santé Environnement, dont le 3ème (2015-2019) précise au sujet de la santé environnementale : « Elle implique un changement de paradigme et de prendre en considération toutes les sources de pollution ou d’exposition susceptibles de concourir à l’altération de la santé des individus, à la fois en considérant la totalité des voies d’exposition à un polluant ou une nuisance et, quand c’est possible, leurs interactions entre polluants. ».
Une propriété particulière de certains des polluants inquiète tout particulièrement les professionnels de santé. Il s’agit de l’activité de perturbation endocrinienne de certaines substances. En effet, depuis quelques années le terme de perturbateurs endocriniens a fait son apparition dans les revues scientifiques et les médias classiques. Il est parfois assorti de son lot de mot barbares tels que bisphénol, phtalates ou encore, parabènes et cela peut paraitre difficile de s’y retrouver pour les parents qui souhaitent les éviter.
Qu’est-ce qu’un perturbateur endocrinien ?
En 1991, par la déclaration de Wingspread, des scientifiques ont exprimé pour la première fois à la communauté internationale leurs préoccupations concernant les conséquences de l’exposition de l’Homme et de l’environnement à des substances chimiques pouvant interagir avec le système endocrinien
Les perturbateurs endocriniens sont des substances chimiques d’origine naturelle ou artificielle qui peuvent interférer avec le fonctionnement des glandes endocrines, organes responsables de la sécrétion des hormones. Ces dernières sont des substances chimiques déversées dans le sang circulant qui les transporte vers un appareil récepteur où elles déclenchent une réponse spécifique, intervenant ainsi dans l'équilibre physiologique et psychologique de l'individu.
Par exemple, le pancréas sécrète, entre autres, l’insuline et le glucagon qui vont permettre de réguler la glycémie (taux de sucre dans le sang).
Les perturbateurs endocriniens vont agir de 3 manières :
- Soit en mimant l’action d’une hormone naturelle et entrainer une réponse à cette hormone,
- Soit en empêchant une hormone de se fixer à son récepteur et ainsi empêcher la transmission d’un signal hormonal,
- Soit en perturbant la production et la régulation des hormones et de leur récepteur.
Quelle est sa spécificité au niveau toxicologique ?
Contrairement au paradigme longtemps utilisé en toxicologie « la dose fait le poison », les perturbateurs n’obéissent pas à cette règle et peuvent avoir des effets néfastes à très faible dose.
Quels sont ses impacts sur la santé ?
Il est difficile d’établir un lien entre une ou des expositions et la survenue de problèmes de santé et ce, pour plusieurs raisons :
- Les pathologies ont souvent des causes multifactorielles,
- Il peut y avoir un long temps de latence entre l’exposition et la survenue de pathologies,
- Un effet cocktail lié au mélange de multiples expositions peut provoquer la survenue de pathologie.
Cependant, on peut mettre en corrélation la multiplication de certaines pathologies chroniques et certains cancers, avec des études sur des animaux constatées en laboratoires ou encore avec des cohortes mettant en évidence des associations entre exposition environnementale et pathologie.
Quelle est sa particularité par rapport
aux femmes enceintes et aux enfants ?
Premièrement, pendant la période périnatale les principales fonctions métaboliques et physiologiques se mettent en place. C’est pour cette raison que cette période des « 1000 jours » constitue une fenêtre de vulnérabilité pendant laquelle l’exposition aux perturbateurs endocriniens peut générer davantage d’effets sur la santé.
Puis, le jeune enfant, de par sa petite taille (près du sol) et son moyen de découverte du monde (portage à la bouche) va être davantage exposé aux polluants.
De plus, il sera davantage vulnérable en raison de son immaturité hépatique et rénale, de sa fréquence respiratoire plus rapide, de sa croissance importante et de son rapport surface corporelle/poids augmenté.
Ou se trouvent-ils ?
Globalement, nous les trouvons :
- Dans l’air que nous respirons
- Dans notre alimentation (aliments, contenants et ustensiles de cuisine)
- Dans ce que nous appliquons sur notre peau.
Comment les éviter ?
De manière générale, une règle simple consiste à se poser la question : « Ai-je vraiment besoin de ce produit » lors de tout achat.
Il faut également lire les étiquettes et choisir les compositions dont la liste est la plus courte. Il est possible également de se fier à certains labels (nature et progrès, cosmos organic, cosmos natural, ecolabel, oeko tex, AB …)
- Pour l’air :
- La règle d’or consiste à aérer 10 à 15 mn 2 fois par jour,
- Proscrire le tabac,
- Eviter les parfums d’intérieur, encens, bougies, diffuseurs électriques et huiles essentielles,
- Eviter tous les produits en spray qui vont pénétrer à la fois par la peau et par la voie pulmonaire,
- Ne pas utiliser de produits pesticides à la maison (antipuces, traitement contre les poux, anti-moustiques, etc.),
- En cas de travaux, les effectuer si possible 3 mois avant la naissance de bébé, en l’absence de la femme enceinte et privilégier les matériaux étiquetés A+,
- Pour les jouets, privilégier ceux en matériaux naturels non vernis, sans parfum. Laver ou aérer les jouets neufs avant utilisation,
- Pour les vêtements, il est préférable de les laver avant utilisation.
- Pour l’alimentation :
- Si possible, privilégier l’alimentation biologique, locale et de saison, et à défaut, éplucher et bien laver ses fruits et légumes,
- Il s’agit également de manger des produits frais et faits « maison » plutôt que des produits industriels,
- Utiliser des ustensiles de cuisine en fonte, en verre ou en inox,
- Utiliser des biberons en verre,
- Eviter de chauffer des aliments dans des récipients en plastique ou de conserver des aliments gras dans ces contenants,
- Eviter l’aluminium et les revêtements antiadhésifs abimés.
- Pour les applications cutanées :
- Eviter les vernis à ongles et les colorations pour cheveux notamment pour les femmes enceintes,
- Privilégier les listes d’ingrédients courtes,
- Privilégier les produits sans parfum,
- Pour les crèmes solaires, éviter les sprays, les filtres chimiques ainsi que les nanoparticules,
- Pour l’hygiène du siège de bébé, un savon surgras comme le savon d’Alep, de l’eau avec un gant de toilette peuvent être utilisés ; le liniment oleo-calcaire peut constituer également une alternative s’il ne comporte pas d’ingrédients accessoires,
- -La plupart des ingrédients notés en majuscules sont néfastes pour la santé ou l’environnement (BHT, PEG …).
Comment créer un environnement favorable à la santé ?
Le concept de santé s’étend bien au-delà de ce que l’on pourrait s’imaginer de prime abord. Ainsi L’OMS décrit la santé comme un état de complet bien-être physique, mental et social, et qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. Aussi, l’individu, dès sa naissance peut être considéré comme un être unique dont les différentes facettes (mentales, physiques et sociales) vont interagir les unes avec les autres aussi bien négativement que positivement.
En effet, selon le concept de salutogénèse, proposé il y a environ 30 ans par le sociologue de la santé, Aaron Antonovsky, l’individu se situe sur un continuum de santé/maladie dont le curseur va bouger tout au long de la vie. Il s’agit alors de rechercher les caractéristiques qui ont des effets bénéfiques sur la santé et non pas uniquement ce qu’il faut éviter. Ainsi, une relation emprunte d’amour et d’empathie d’un parent envers son enfant, par exemple, pourra contribuer tout autant positivement à la santé qu’une alimentation équilibrée ou une activité physique régulière.
De même, l’épigénétique, terme qui définit les processus qui entraînent des modifications de l’expression des gènes, sans en altérer la séquence nucléotidique, considère lui aussi les interactions de l’environnement sur les gènes aussi bien négativement que positivement. Ainsi, la mise en présence de facteurs qui « activent » ou « éteignent » certains gènes peuvent dépendre de notre comportement. L’être humain est donc un acteur essentiel de sa propre santé et ne subit pas passivement son héritage génétique.
Enfin, l’être humain n’est pas détaché de la nature, il fait partie de la nature, du monde du vivant. Là encore, l’homme peut agir et s’interroger sur son impact sur ce monde auquel nous appartenons, pour agir sur la santé humaine des générations actuelles et futures.
Ainsi, en 2008, lors d’un discours sur les conséquences de l'utilisation de produits chimiques sur la reproduction humaine, Mme Roselyne Bachelot-Narquin alors ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative annonçait en introduction :
« Selon l'OCDE, entre 1995 et 2020, la production mondiale de produits chimiques aura augmenté de 85 %.Ces chiffres en constante augmentation nous imposent de nous interroger sur les effets néfastes de telles substances et sur les moyens de les limiter. C'est notre devoir, pour préserver notre environnement. C'est notre intérêt, pour protéger notre santé et celle de nos enfants. En effet, nous ne pouvons séparer abstraitement l'homme de son environnement. Tout produit chimique libéré dans l'environnement risque de se retrouver, à un moment ou à un autre de son cycle, dans l'air que nous respirons, dans l'eau que nous buvons, ou dans les aliments que nous mangeons. »
Karine Pontroué
Infirmière-puéricultrice
Diplôme Universitaire en Santé Environnementale
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